CALL ME BY YOUR NAME - LUCA GUADAGNINO


Call Me by Your Name s’impose comme une œuvre d’art totale, où chaque plan, chaque silence, chaque éclat de lumière participe à une composition sensible et maîtrisée. Luca Guadagnino construit un cinéma de la sensation, de la lenteur habitée, en inscrivant son film dans une esthétique profondément méditerranéenne, où l’architecture, la sculpture et la nature deviennent les échos visuels des mouvements intérieurs des personnages. On pense à ces séquences d’apparente banalité — une main qui frôle une chemise, un regard échappé lors d’un repas — qui sont autant de tableaux vivants, composés avec une rigueur plastique évoquant à la fois Caravage et le cinéma contemplatif d’Antonioni.

Adapté du roman d’André Aciman, le scénario conserve la finesse psychologique du texte original, tout en le sublimant par une mise en scène qui ne cherche jamais à illustrer mais à incarner. Guadagnino ne filme pas une histoire d’amour homosexuelle au sens militant du terme ; il filme la naissance du désir, sa fragilité, sa violence douce, dans ce qu’elle a de plus universel. Le récit repose presque exclusivement sur le duo que forment Timothée Chalamet et Armie Hammer, dont l’alchimie ne tient pas à une passion évidente, mais à une tension graduelle, invisible, construite par gestes infimes, silences prolongés et regards équivoques.

Timothée Chalamet, incandescent, livre ici une performance d’une maturité bouleversante, où chaque pli du visage semble porter le poids du premier chagrin, du premier vertige. Sa composition dans la scène finale — ce long plan fixe face à la cheminée, sur la chanson Visions of Gideon de Sufjan Stevens — est sans doute l’un des plus beaux moments de cinéma de la décennie, concentré de pudeur, de douleur et de beauté, une épiphanie du sentiment amoureux. On peine à comprendre comment une telle performance n’a pas été couronnée par un Oscar.

L’œuvre, dans sa retenue comme dans sa sensualité, évite les pièges du pathos ou de la provocation. Le traitement de la relation entre un adolescent de 17 ans et un jeune adulte de 24 ans est subtil, jamais voyeur, mais traversé par une conscience aiguë des rapports de pouvoir et des écarts de maturité, ce qui confère au film une tension éthique sans jamais le figer dans une posture morale. Il y a dans cette histoire un paradoxe essentiel : celui d’un amour à la fois pleinement vécu et fondamentalement éphémère, impossible à prolonger sans le trahir.

Guadagnino a eu l’intelligence de conclure son film sur une note suspendue, mélancolique, presque sacrée. Il faut espérer qu’il n’y ait pas de suite, tant la dernière scène, portée par la voix fragile de Sufjan Stevens et le regard embué de Chalamet, se suffit à elle-même. Elle boucle le récit tout en l’ouvrant sur l’universel : la douleur du souvenir, la beauté de l’inachevé, la nécessité de perdre pour grandir. Call Me by Your Name n’est pas simplement un film sur l’amour, c’est un film sur la forme que prend l’amour quand il devient mémoire — et c’est en cela qu’il touche au sublime.

FLAVIEN GOURRAUD

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